What a lovely smile ◆ ft. Chifuyu

La cavalerie était en permission et, enfin, l'homme pouvait profiter d'un moment de calme, loin du palais, loin du clan, loin de tout. Le commandant faisait tomber les symboles militaires pour ne faire place qu'à l'homme, un homme dévêtu de toutes couleurs dorées, pour une fois, loin de ce lion qui était le sien, l'emblème de sa famille, de son clan, d'une partie de sa patrie. Pour une fois, sur cette tenue, ce kimono et ce hakama de couleurs très sobres, peu voyantes. Mais ces deux boutons toujours présents, sous la veste de ce kimono, au niveau de ses épaules. Confortablement installé sur la selle de son cheval, il avait passé plusieurs jours à se balader dans les plaines et les terres de chez lui. Un voyage, un repos bien mérité, loin de ses obligations... un vrai fuyard pour cet héritier qui avait refusé ce qui lui était dû de naissance.

De loin, les rênes lâches entre ses doigts, il observait certains voyageurs. Il appréciait être "inconnu", ne pas avoir les regards posés sur lui parce qu'il était le neveu des nouveaux chefs de Raion. Il se tenait loin de tous, de tout le monde. Il s'occupait de ses propres affaires, se changeait en loup lorsqu'il le souhaitait, le voulait... Mais toujours loin de ceux qui seraient trop curieux, ceux qui pourraient attaquer l'animal qu'il était - enfin, seulement en apparence -. Le loup observait, il contemplait... La nature de tous. Une brigade, des humains et certains d'autres espèces. Tous autour d'une... Une fée masculine et aux ailes glacées. Une fée de glace ? Ici ? Sous cette chaleur du soleil de midi ?!

"Vous n'avez pas mieux à faire que de tourmenter une fée des glaces dans ces conditions qui ne lui sont pas favorables ? rugissait-il en descendant d'un bond de sa monture."

Quelques tapotements sur l'encolure de l'équidé aux couleurs diverses, le noir bien délimité dans cette robe normalement blanche. Oh, oui, jamais il ne se mêlait des affaires des autres. Mais il restait un militaire. Un homme d'action, un homme de combat. Baji était aussi de la famille Raion. Alors, non : il ne pouvait pas laisser ce genre d'inconscients souiller ses terres de par leur vilénie !

"Si vous vous en preniez à un homme de votre stature ?"

Il les provoquait, une main se posant sur le katana accroché à sa taille. Le katana de sa famille, son honneur, son mérite, son prestige. Le fourreau entièrement noir, cette garde noire et dorée et, surtout, cette garde si simplement, celle d'une étoile à six branches - comme un flocon, comique, n'est-ce pas ? -. D'un petit coup de pouce, il dégainait d'un très petit espace, l'autre main attrapant le pommeau... Et dégainant la lame pour se poser sur le torse de celui s'approchant de trop. Une lame claire, brillant sous les rayons de ce soleil brûlant, un lion gravé au plus proche de la garde dont les gravures étaient colorées d'or. Le symbole des Raion, son symbole...

"Ou auriez-vous trop peur ?"

Même pas un mot. Ils se regardaient juste après avoir vu la lame, avoir observé les dents qui devenaient des crocs acérés. Le loup n'était pas connu pour sa tendresse : entre épée et dents, il maniait autant les armes "humaines" que les armes "animales" et ce, en même temps... Alors, oui, ces trois personnes ont préféré s'éclipser, s'en aller sans demander leur reste... Un reniflement : oh, il allait les retrouver si jamais ils revenaient dans sa "zone", celle couverte par son odorat.

"On dirait qu'ils avaient trop peur ! Dommage, j'avais envie de combattre ! Ça fait toujours du bien ! riait-il en rengainant sa lame avant de s'avancer vers la "petite" fée, tendant la main, souriant de toutes ses dents, les crocs lupins encore présent."

Le loup était fier. Il était né et fait ainsi : de cette arrogance, de cette force interne faisant que le moindre accomplissement était vu comme une grande fierté. Alors, en sauvant cette jeune fée, il était fier, réellement : seulement avec son sabre et sa présence, les brigands fuyaient. Bon, il était aussi assez déçu... C'était qu'il aurait bien aimé taper quelques têtes en étant un simple civil et non pas sur un champ de bataille ! C'était que les règles étaient complètement différentes, il pouvait se laisser aller : tous les coups étaient permis, même les coups de crocs là où on ne pouvait décemment pas imaginer la douleur, sous peine d'être psychiquement émasculé.

"Huh ? - une moue un peu étonnée, mais en même temps, c'était normal, les Raion étaient connus mais à ce point ? D'accord - Oui, c'est moi mais vous pouvez m'appeler Keisuke, c'est plus facile."

Le thérianthrope souriait de toutes ses dents canines jusqu'à... Euh ? Oui, mais non. Il était gentil, amical... Mais il était aussi un animal sauvage au fond de lui. Un animal de meute qui ne supportait pas de voir une proie devenir aussi familière avec lui. Un grognement lorsqu'il sentit le poids léger de la fée contre lui et le retour fut immédiat : il lui attrapait le haut et le balançait au sol sans la moindre douceur. Où était donc passé le respect envers les familles régnant sur les clans ?! Cette fée avait un certain toupet qui faisait grogner, du fond de sa gorge, l'être lupin.

"Pour qui vous prenez-vous ?! On ne se connaît pas et vous osez me toucher comme si nous avions élevé les cochons ensemble ?! Vous avez de la chance, un autre membre de Clan aurait été bien plus violent !"

Le grognement restait présent, long, latent, au fond de la gorge du thérianthrope qui... Remarquait que, suite à cette chute, l'homme souffrait dans le dos. Le grognement cessait aussitôt et, s'il avait eu ses oreilles, elles auraient été baissées, gêné d'avoir été si violent dans sa réaction, l'instinct sauvage ayant pris le pas sur celui de l'humain.

"Excusez-moi, je n'aurais pas dû y aller trop fort mais je ne vous connais pas et vous sautez sur moi. C'était demandé à être frappé. - Baji s'éloignait un instant, allant au côté de son cheval pour prendre un onguent dans une pochette accrochée à la selle et revenant vers sa "pauvre" victime - Montrez-moi votre dos. Cela soulagera la douleur."

Baji ne connaissait pas le peuple des fées. Pour être tout à fait honnête, il ne connaissait que les races les plus belliqueuses, celles qui pouvaient mettre à mal la cavalerie ou ses habilités d'être lupin. Les fées n'étaient pas connues pour être véhémentes. Vengeresses et taquines mais pas guerrières... Et il ne les connaissait pas non plus pour être des êtres des plus tactiles.

"Je ne savais pas que les fées étaient du genre à câliner les gens de la sorte. Est-ce unique aux fées de neige ? On les croirait plutôt froides et distantes, du fait de l'environnement glacial d'où vous grandissez."

Le jeune Raion prenait la pochette avec son onguent, bien décidé à aider cette personne. Il l'avait blessé, en réagissant de façon disproportionnée, le loup ayant pris le pas sur l'homme. Une faute de jeune thérianthrope que le noiraud ne pouvait s'expliquer : pourquoi ? Pourquoi avoir été si brutal ? Il n'était pas connu pour sa tendresse mais Baji n'était pas non plus un bourreau. Que du contraire. L'animal grognait en voyant l'expression de tristesse et de douleur chez la fée face à lui... Il grognait contre lui-même, il grognait, purement, simplement, sans comprendre pourquoi. Voilà qu'il agissait comme un "gamin", un jeune enfant ne maîtrisant pas sa nature d'homme-bête ! Que c'était insultant pour un homme si âgé, si mûr comme lui !

"Ah. Oui, je comprends. - il fit apparaître ses oreilles, qui remplacèrent ses anciennes, les deux flèches de duvet noires pointant vers le ciel - Je connais, elles me font la même chose."

Un léger coup de vent les fit frémir, se secouant un instant avant de se calmer, et elles se baissèrent, montrant la culpabilité qui rongeait Baji. Il s'en voulait réellement de l'avoir blessé...

"Laissez-moi au moins appliquer cet onguent sur votre dos. Je ferais attention à vos ailes, ne vous en faites pas. - les oreilles se redressèrent un court instant avant qu'en penchant la tête, l'une d'entre elles ne suive le mouvement du crâne, accentuant l'expression interrogative du loup - Au fait, vous savez mon nom. Mais puis-je connaître le vôtre ?"

Il fit ensuite un large sourire, les crocs bien en avant :

"Je peux aussi vous proposer de séjourner un temps au palais ! Le temps que vos ailes se portent mieux. Elles ont besoin de repos et rester sur les routes n'est pas sûr pour... - ses sourcils se froncèrent, sa langue passant sur ses crocs : comment dire, sans risque de le vexer, qu'il faisait partie des peuples les plus faibles ? - N'est pas sûr pour quelqu'un déjà blessé."

"Euh, non, pas réellement. Nous ne sommes pas des plus tactiles chez moi."

Le loup se sentait tout de même mal d'avoir été si brutal, si violent avec le jeune homme, lui qui n'avait rien fait de si mal, au final. À part le surprendre, le prendre par surprise. Il se sentait coupable et il observait cette fée dont l'expression était... Des plus intenses et, derrière les sourires, il voyait bien cette profonde tristesse au fond de ses deux grands yeux verts. Son estomac se tordait à cette vision, à ce qu'il sentait et ressentait provenant de cet inconnu.

Baji se frottait doucement le nez en entendant enfin son identité et, aussitôt, il souriait en retour. Il lui répondait ainsi, par sa chaleur naturelle, sa nature des plus gentilles malgré cette obligation d'avoir certaines distances du fait de son statut :

"Chifuyu, donc. Enchanté ! - il souriait de toutes ses crocs - C'est un joli prénom."

Puis il eut une moue ennuyée : oui, il avait voulu dire faible. Une fée ne pouvait rien contre la plupart des peuples. Un loup, comme lui, avait bien plus de chance et de facilité qu'un être tel que la fée. Certains avaient une magie puissante, d'autres n'avaient pas cette chance... Et la glace devait être une magie des plus fragiles et des plus difficiles à contrôler.

"Désolé, je ne veux pas sous-entendre que tu ne sais pas te défendre. Malheureusement, c'est une réalité que les fées n'ont pas... Enfin, si elles ne sont pas entraînées pour le combat ou la magie, elles ne sont pas des plus efficaces face à des races comme la mienne ou des orcs."

L'ancien héritier regardait son cheval puis la fée, faisant un signe vers son torse et donc, son dos. Ce dos qui était blessé de par sa faute à lui. De par son agressivité qu'il n'avait pas pu contrôler. Cette impulsivité, ce manque de contrôle.

"Montrez-moi votre dos puis nous irons sur mon cheval. Nous pourrons ainsi retourner vers le palais sans un problème. N'ayez crainte, si je décide que vous avez le droit d'être là, personne n'aura rien à redire."

Le loup s'en voulait toujours. Certes, il n'était pas tactile, surtout avec des inconnus mais être si violent ? Le repousser avec tant de violence, tant de hargne ? Il ne s'était jamais connu comme cela. Que du contraire ! Il n'était pas connu comme un noble hautain, arrogant et inaccessible. Il aimait se mêler aux autres, il se mélangeait à ses hommes lorsqu'ils étaient en campagne. Alors, pourquoi ? Pourquoi avait-il eu cette réaction si exagérée ?

Son regard brun se posait sur la fée. Oui. Les fées n'étaient pas connues pour leur force. C'était de petits êtres sournois, filant et se faufilant. Des êtres de lumière ou de ténèbres. Des êtres faits de bonté, donnant et se privant.

"Vous ne savez combattre ? demandait le thérianthrope, étonné de ce fait, même si, comme il l'avait dit, il savait que les fées n'étaient pas bâties pour le combat. Pourtant, en allant et en venant sur les routes, en étant un être du petit peuple, n'est-ce pas conseillé ? Vous pourriez mieux survivre, seul, sur les routes."

Ses oreilles disparaissaient finalement, le loup observant le dos de la fée. Il analysait les plaies et les marques sur ce dos, ces petites couleurs naissant petit à petit... Avant de prendre l'onguent et de l'appliquer correctement sur la peau de cet inconnu en faisant bien attention à ses ailes. Si elles étaient aussi sensibles que pouvait l'être sa queue... Ou même ses oreilles... Il savait d'avance que le blond réagirait aussi agressivement que lui, juste avant.

"Hm ? Étonnant."

Comment pouvait-il ne pas savoir que son clan était des plus doués sur un cheval ?

"Vous me connaissez mais vous ne savez pas que ma famille est réputée pour la cavalerie ? Étrange, tout en étant étonnant. J'ai appris à monter très jeune, comme tous les membres du clan Raion. Nous avons tous un cheval, habitué à ce que nous sommes, si jamais nous avons du sang de prédateur. - la pommade se répandait sur son dos, avant que le loup ne cesse, fermant l'onguent et le remettant à sa place. - Hm. Je vous aiderai à monter en premier, avant de m'installer. On fera en sorte que votre dos ne vous fasse pas souffrir, malgré les mouvements."

Keisuke s'essuyait les mains en observant le blond. Ce n'était pas un souci. Il n'avait qu'à se tenir à la selle ou à lui. Le noiraud eut alors un large sourire, rayonnant de gentillesse et de bonté. Il était ainsi. Un homme noble mais le cœur sur la main, le sourire facile et l'amitié tout aussi facile.

"Vous vous tiendrez à la selle, aux rênes ou même à mes bras, si cela vous convient mieux. - il s'installait aux côtés de son destrier, mettant ses mains en position. - Venez, vous allez vous installer. Dites-moi si jamais, vous avez mal."